Libreville, le




Cour spéciale militaire

Compte rendu de la 4e journée d’audience du procès du coup d’état manqué du 7 janvier 2019

Compte rendu de la 4e journée d’audience du procès du coup d’état manqué du 7 janvier 2019 © 2021 D.R./GabonSoir

GabonSoir vous livre l’intégralité du compte rendu de la 4e journée d’audience du procès du coup d’Etat manqué du 7 janvier 2019. Audience tenue ce 28 juin à Libreville où comparaissaient le lieutenant Kelly Ondo Obiang et 8 militaires co-accusés. Compte rendu réalisé par l’ONG SOS Prisonniers Gabon.

Ce lundi 28 juin 2021 (9h40 à 1h du matin) était marqué par la reprise de l’audience de l’affaire du soulèvement manqué du 7 janvier 2019, avec à la barre Kelly Ondo Obiang et huit autres accusés militaires.

(Partie 1/3)

Lundi, ce sont des gendarmes présents à la RTG ont commencé à parler.

Dès l’entame du procès, le président de la Cour Spéciale Militaire fait un bref rappel de la dernière audience qui avait été suspendue suite aux exceptions soulevées par la défense. Les exceptions étant désormais vidées, on peut reprendre les auditions des accusés.

Le tour revient au Maréchal de Logis, Chef Major Afana Ondo Armel Ulrich. Avant même que le Maréchal commence à relater sa version des faits, le président de la Cour fait observer que sur les deux écrans placés à la salle d’audience (installés pour diffuser le discours du 7 janvier 2019), il est écrit "Coup d’Etat" et que ce n’est pas normal.

Car pour les militaires, il s’agissait d’un appel au soulèvement populaire… et non pas d’un “coup.”

En tant qu’avocat de certains militaires, Me Moumbembé, renchérit en disant à la Cour que ce qui est écrit sur les deux écrans, à savoir "Coup d’Etat," influence la Cour. Il demande à la Cour de retirer ces deux télévisions. L’audience s’emballe, la défense demande purement et simplement le retrait des écrans.

La parole est donnée au procureur de la République, qui va faire observer que "les deux écrans ont été mis pour diffuser le discours du Lieutenant Kelly Ondo Obiang, et que cela va servir à faire asseoir ses charges."

L’avocat du Maréchal Afane, Me Irenée Mezui Mba, va dire à la Cour que toutes les pièces doivent être communiquées à la défense et que le Président doit faire respecter la loi et le principe du contradictoire.

L’audience, qui avait pourtant débuté en toute sérénité, va aller tambour battant en moins de 15 minutes.
La passe d’armes avec le Ministère Public et la Défense va connaître une tournure inquiétante.

Me Irenée Mezui Mba rappelle à la Cour le sacro-saint principe du "Dura lex sed lex" (“la loi est dure mais c’est la loi”, en latin).
Quand une partie au procès veut se servir d’une pièce, la loi impose que ladite pièce soit communiquée à toutes les parties. A défaut, il faut la retirer.
Me Anges Nzigou va soutenir son confrère avec l’article 342 du code de procédure pénale.

Il est 9h 58.

Les avocats partent en conciliabule avec la Cour. Quelques minutes après, on continue l’audience.

L’avocat de la partie civile, Me Homa Moussavou, estime que la vidéo en question, est déjà dans tous les téléphones et que tout le monde a déjà vu cette vidéo, donc qu’il n’est plus nécessaire de communiquer la vidéo à la défense. Me Anges va murmurer "mon enfant de 10 ans n’a pas vu cette vidéo."

La défense ne veut rien laisser passer. Elle demande à la Cour de s’en tenir à la loi, par conséquent de retirer ces écrans.

Le Président est dans l’embarras : que faut- il faire ?

Le Président donne la parole à Afane et lui demande de donner sa version des faits, ce qui n’est pas du goût de la défense. Mais le Président, assurant la police de l’audience, donne à nouveau la parole à Afane .

Le Maréchal Afane livre alors sa version des faits.

Il explique que le 7 janvier 2019, il n’était même pas à la RTG quand le lieutenant Kelly Ondo Obiang et ses hommes ont pris la RTG. Il dit qu’il était chez lui, au Boulevard. C’est en entendant les coups de feu au petit matin qu’il s’est rendu retrouver ses gars à la RTG. La première question posée aux gars était de savoir si la hiérarchie était déjà informée. À cet instant, il dit avoir lui-même appelé son Supérieur hiérarchique direct pour lui faire part de la situation. Son Supérieur lui a dit qu’il est déjà informé et que les secours arrivent. Puis l’adjudant Bidima Estimé lui a remis un M16, continue l’accusé. Mais il lui a rétorqué qu’il ne savait pas manipuler un M16.

Quand l’armée est venue rétablir l’ordre, alors tous les gendarmes ont été conduits à la présidence, puis à la GR pour la déposition, puis sont rentrés chez eux. Et tout le monde a repris le travail.

Le Maréchal Afane se demande comment on peut l’accuser de complicité, alors qu’il n’a vu Kelly Ondo Obiang pour la première fois que le 14 janvier 2019, quand sa hiérarchie lui avait demandé d’aller au B2 pour la confrontation. C’est depuis le 14 janvier qu’il a été gardé au B2 jusqu’à son emprisonnement à la prison centrale. C’est au B2 qu’on lui avait montré la photo dans un téléphone de l’agent Nze Cekirge Alex, mort à la RTG.

Afane est accusé de destruction des biens publics. Mais c’est le blindé de la GR qui a littéralement détruit le bâtiment de la RTG, renchérit le Maréchal. Aucune arme légère ne pouvait détruire le bâtiment ainsi. Au B2, il a été torturé, brûlé au dos avec l’eau chaude. On a mis le piment aux parties intimes pour qu’il puisse avouer des faits qu’il n’a pas commis… Depuis 2 ans et demi, il dit être en prison pour une affaire qu’il ne connaît pas, conclut-il.

Il reste 3 gendarmes : le Maréchal Gilles Yoko, le Maréchal de logis Guy Roger Mintsa et l’Adjudant Paul Sadibi Ibinga. Tous vont rester constants, de l’enquête préliminaire à l’instruction, jusqu’à ce jour à la barre.

En effet, les gendarmes étaient de garde dans la nuit du 6 au 7 janvier à la RTG. Le commando du lieutenant les a neutralisés. Selon les déclarations des gendarmes, quand ils ont été conduits à la présidence avec les autres militaires, c’est l’adjudant Bidima Estimé qui a commencé à dire à la présidence que les gendarmes ne sont pas concernés par cette mission d’appel à la révolte.

Puis, les gendarmes ont été conduits à la DGR pour faire leurs dépositions. C’est seulement le 14 janvier, en se rendant au B2 pour la confrontation, qu’ils ont été placés en garde à vue, puis placés sous mandat de dépôt le 7 février 2019.

Place aux questions aux accusés. La suite dans le prochain épisode…

SOS Prisonniers Gabon, pour l’indépendance de la Justice.

Auteur : Rédaction GabonSoir


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