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Violences

RDC : A Goma, une militante se bat pour accompagner des survivantes de viols

RDC : A Goma, une militante se bat pour accompagner des survivantes de viols © 2023 D.R./GabonSoir

En République démocratique du Congo (RDC), les conflits récurrents qui font rage dans la province du Nord-Kivu déracinent toujours plus de civils et exposent un nombre croissant de femmes et de filles aux violences sexuelles depuis plusieurs années maintenant.

Les conflits armés et intercommunautaires sont à la base des agressions sexuelles et de violences basées sur le genre dans l’est de la RDC. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance ( UNICEF ) a appelé au mois de mai 2023 à une intensification urgente et significative des interventions et du financement pour répondre au nombre croissant de cas de violence sexuelle signalés contre des enfants et des femmes dans la province du Nord-Kivu.

Dans la ville de Goma par exemple, plusieurs organisations locales de défense des droits humains se battent pour venir en aide aux femmes victimes de ces crimes. C’est le cas de l’organisation Promotion et appui aux initiatives féminines (PAIF), une organisation de défense des droits des femmes qui a pour mission de promouvoir leurs droits mais également d’appuyer ses initiatives et ses efforts pour leur autonomisation.

Eduquer les femmes sur leurs droits

D’après la Présidente du PAIF, Immaculée Birhaheka, son organisation travaille dans le nord-est de la RDC pour éduquer les femmes sur leurs droits, donner aux femmes les moyens de participer à la politique, fournir des ressources aux survivantes de violences sexuelles y compris les survivantes de viol.

L’organisation Promotion et appui aux initiatives féminines a été créée en 1993. Sa présidente et co-fondatrice, Immaculée Birhaheka, est aujourd’hui une militante pour les droits des femmes incontournable en RDC. En juin 2006, elle a reçu le Prix de la fondation nationale de promotion de la démocratie, une récompense pour son dévouement à la protection et à la promotion des droits des femmes et pour ses efforts visant à mettre un terme à la pratique massive du viol des femmes et des jeunes filles dans l’est du pays. Immaculée fut une des premières femmes à se consacrer à la réhabilitation des victimes de viol et à dénoncer publiquement le viol comme « arme de guerre ».

D’après l’UNICEF, les signalements de violences basées sur le genre (VBG) contre les filles et les femmes au Nord-Kivu ont augmenté de 37% au cours des trois premiers mois de 2023 par rapport à la même période il y a un an, selon le groupe de coordination des VBG de la province. Plus de 38.000 cas de violences basées sur le genre ont été signalés pour toute l’année 2022 dans le seul Nord-Kivu. Dans la plupart des cas, les survivantes ont déclaré avoir été attaquées par des hommes armés et des hommes déplacés à l’intérieur et autour des camps.

Assistance psycho-sociale

D’après Immaculée Birhaheka, en vue de porter une réponse aux problèmes que subissent les femmes et jeunes filles à l’est de la RDC, le PAIF a développé deux programmes. Le programme de formation, information et échanges d’expériences sert non seulement à sensibiliser l’opinion sur les questions des femmes mais aussi sensibiliser les femmes en vue de leur faire connaître leurs droits sur base des instruments juridiques aux niveaux régional, national et international. Le deuxième programme est celui d’action directe qui est focalisé sur le service d’assistance psycho-sociale, médicale, scolaire et économique.

C’est dans le cadre de l’assistance économique qu’une centaine de femmes et jeunes filles victimes de viol apprennent différents métiers manuels au centre de PAIF situé au quartier Mugunga, dans la ville de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. Ces bénéficiaires dont l’âge varie entre 6 et 25 ans apprennent la coupe et couture, la pâtisserie, le tressage et le maquillage. L’organisation leur fournit dans ce cadre une assistance en termes de ressources et de kits de sortie à la fin de la formation.

C’est le cas de Sophie Lusambia, finaliste en tressage. A la fin de sa formation en 2022, elle a reçu un kit de sortie en tressage pouvant l’aider à s’intégrer dans la société. Aujourd’hui Sophie tresse les femmes de son quartier et celles de son église. Par semaine, elle peut gagner jusqu’à l’équivalent de 10 dollars. Grâce à cet argent, elle subvient aux besoins de son enfant et à ceux de ses frères et sœurs.

Dans le cadre de la formation en coupe et couture, ONU Info a rencontré Christelle Mulindwa, une jeune fille de 18 ans encore apprenante dans ce domaine. Elle apprend ce métier manuel depuis quelques mois maintenant.

« Le matin j’étudie la coupe et couture au centre PAIF et l’après-midi, il m’arrive de confectionner les pagnes pour mes voisines. Au début cela n’était pas facile car j’avais encore des difficultés. Aujourd’hui je sais comment coudre une jupe et une robe en pagne et on me paye. Ce n’est pas beaucoup d’argent mais au moins je ne manque pas à manger à la maison. Mon rêve est d’avoir mon propre atelier de couture et de pouvoir former d’autres filles de mon quartier en coupe et couture  », raconte-t-elle.

Création de petites entreprises

L’association a lancé récemment plusieurs initiatives visant à rendre les femmes autonomes à travers la création de petites entreprises. Pour les femmes et les filles qui ne sont pas dans les formations manuelles, le PAIF leur donne un appui économique sous forme de crédit pour pouvoir faire du petit commerce et de l’artisanat.

PAIF soutient également les agricultrices en leur donnant des intrants agricoles et des conseils pour les aider à échapper aux tracasseries diverses et variées. Grâce aux multiples efforts fournis par le PAIF, les femmes victimes de viol sont moins stigmatisées et discriminées et ont un meilleur accès à un soutien juridique, médical et judiciaire.

Environ 10.000 femmes et jeunes filles ont été accompagnées par cette organisation depuis 1993.

« Plusieurs défenseurs de droits humains avec qui j’ai commencé ce combat, ont abandonné à cause des guerres et conflits que la province du Nord-Kivu a connus. Si moi je tiens encore, c’est parce qu’au fond de moi, je peux ressentir l’amour, l’espoir et le courage que les femmes et les jeunes filles manifestent lors de leur formation manuelle  », nous explique Immaculée.

Comme personne n’a été formé pour faire face à la guerre, Immaculée pense que l’Etat congolais devrait développer des actions pour aider non seulement les femmes et les jeunes filles mais aussi les organisations humanitaires locales qui ne cessent d’accompagner les femmes marginalisées à cause des conflits interminables à l’est de la République démocratique du Congo.

Auteur : Gabon Matin


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